Le sexe n'est plus un devoir conjugal

Faire l'amour avec son conjoint n'est plus une obligation conjugale.

10/29/20244 min read

FAIRE L’AMOUR AVEC SON CONJOINT N’EST PLUS UNE OBLIGATION CONJUGALE

Historiquement, le devoir conjugal a longtemps été considéré par les juridictions françaises comme une obligation inhérente au mariage, impliquant une dette de relations intimes entre époux. Toutefois, cette conception du mariage, fondée sur un modèle ancien de soumission du devoir sexuel à l’union conjugale, vient d’être remise en cause par une décision historique de la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) en date du 23 janvier 2025, interdisant toute sanction du refus de relations intimes dans le cadre du mariage.

Cette évolution marque un véritable revirement de jurisprudence, mettant fin à la possibilité de prononcer un divorce aux torts exclusifs de l’époux qui refuserait d’entretenir des rapports sexuels, et consacrant ainsi le principe du consentement permanent et libre dans la sphère conjugale.

I. L’OBLIGATION CONJUGALE DE RELATIONS SEXUELLES : UNE CONCEPTION HISTORIQUEMENT ADMISE PAR LES JURIDICTIONS FRANÇAISES

L’idée selon laquelle le mariage engendrerait une obligation d’avoir des relations sexuelles avec son conjoint s’est enracinée dans le droit français par le prisme des devoirs conjugaux, énoncés notamment par l’article 212 du Code civil, qui impose aux époux une obligation de respect, fidélité, secours et assistance.

Dans cette perspective, la jurisprudence française a longtemps considéré que

le refus systématique d’entretenir des relations intimes pouvait constituer une faute conjugale susceptible d’entraîner une condamnation pécuniaire ou un divorce aux torts exclusifs du conjoint abstinent.

Ainsi, la Cour d’appel d’Aix-en-Provence, dans un arrêt du 3 mai 2011 (n°2011/292, RG 09/05752), avait condamné un mari à verser plus de 10 000 euros de dommages et intérêts à son épouse, au motif que son refus persistant d’entretenir des relations charnelles constituait une violation du devoir conjugal et un préjudice pour son épouse.

De même, la Cour de cassation, dans un arrêt du 24 février 1987, considérait que l’absence de relations sexuelles pouvait être sanctionnée sur le fondement du manquement aux obligations conjugales (Cass. 2e civ., 24 févr. 1987, n° 85-14.984).

Toutefois, ce raisonnement reposait sur une interprétation restrictive du consentement sexuel, considérant le mariage comme un cadre où le devoir conjugal primait sur la volonté individuelle de chaque époux.

II. LA DÉCISION DE LA CEDH DU 23 JANVIER 2025 : UN REVIREMENT RADICAL

Dans sa décision du 23 janvier 2025, la Cour européenne des droits de l’homme a mis un terme définitif à cette conception du mariage en proclamant qu’un époux ne saurait être contraint à des relations intimes sous le couvert du devoir conjugal.

La CEDH rappelle que « le devoir conjugal tel que défini en France ne prend nullement en compte le consentement aux relations sexuelles. Tout acte sexuel non consenti est une forme de violence sexuelle. » Dès lors,
« l’existence d’une telle obligation est à la fois contraire à la liberté sexuelle et au droit de disposer de son corps ».

En d’autres termes, la CEDH consacre le principe du consentement permanent, selon lequel chaque acte sexuel doit être librement consenti, y compris dans le cadre du mariage.

En conséquence, elle affirme qu’un divorce ne pourra plus être prononcé aux torts exclusifs d’un époux en raison de son refus de relations sexuelles, sauf à violer l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme, relatif au droit au respect de la vie privée et familiale.

III. LA CONFORMITÉ PROCHAINE DU DROIT FRANÇAIS AVEC LE DROIT EUROPÉEN : UN ENGAGEMENT GOUVERNEMENTAL

À la suite de cette décision, Gérald Darmanin, ministre de l’Intérieur et des Outre-mer, a affirmé que « la France se mettra en conformité avec le droit européen et adaptera sa législation afin de refléter cette évolution jurisprudentielle ».

Ainsi, la prochaine fois qu’un juge français sera amené à statuer sur une affaire impliquant le refus de relations intimes au sein du mariage, il devra nécessairement se conformer à cette jurisprudence européenne, interdisant toute sanction en cas de refus d’un époux d’avoir des rapports sexuels.

Cette mise en conformité du droit français avec la jurisprudence de la CEDH marque une évolution majeure dans la reconnaissance du consentement dans la sphère conjugale et met un terme à une lecture archaïque du devoir conjugal.

IV. UNE CONSÉCRATION DE L’AUTONOMIE SEXUELLE DANS LE CADRE MARITAL

Cette décision s’inscrit dans un mouvement global de reconnaissance des droits fondamentaux des individus au sein du couple, et notamment du principe d’autonomie corporelle.

La jurisprudence de la CEDH s’aligne ainsi avec :

  • La reconnaissance progressive du viol conjugal, aujourd’hui puni en France par l’article 222-23 du Code pénal, mais qui fut longtemps nié par les tribunaux.

  • L’évolution des mentalités sur la liberté sexuelle et le droit de disposer de son corps, qui exclut toute contrainte même dans le cadre d’un lien matrimonial.

    Désormais, le mariage ne saurait être le fondement d’un droit de créance sur le corps de l’autre, mais uniquement une union fondée sur un consentement libre et réversible à chaque instant.

    CONCLUSION

    La décision de la Cour européenne des droits de l’homme du 23 janvier 2025 marque un tournant historique dans la conception du mariage et des relations sexuelles au sein du couple. En mettant un terme à l’idée selon laquelle le mariage implique une obligation de relations charnelles, elle consacre définitivement le principe du consentement libre et permanent, renforçant ainsi la protection des individus contre toute forme de contrainte conjugale.

La France, par la voix de Gérald Darmanin, s’est engagée à se conformer au droit européen, ce qui signifie que désormais, aucun juge français ne pourra prononcer un divorce aux torts exclusifs d’un époux pour refus de relations intimes.

Cette évolution s’inscrit dans un mouvement plus large de protection des libertés individuelles et de reconnaissance du consentement sexuel comme un droit fondamental inaliénable, réaffirmant ainsi que l’amour, même conjugal, ne saurait être une obligation imposée.